DÉCISION N° 5/E/2019
AFFAIRE N° 26/E/19
SÉANCE DU 21 MARS 2019
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution, notamment en ses articles 59, 61 et 92 ;
Vu la loi organique n° 2016-23 du 14 juillet 2016 relative au Conseil constitutionnel ;
Vu la loi organique n° 2002-20 du 15 mai 2002 portant Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, modifiée, notamment en son article 51, dernier alinéa ;
Vu la loi n° 2017-12 du 18 janvier 2017 portant Code électoral, modifiée par les lois n° 2017-33 du 21 juillet 2017 et n° 2018-22 du 4 juillet 2018 ;
Vu l’arrêté de bureau n° 006 du 17 janvier 2019 portant radiation de Khalifa Ababacar SALL de la liste des députés ;
Vu la requête de Khalifa Ababacar SALL et les pièces jointes ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
- Considérant que par requête du 21 février 2019, enregistrée au greffe du Conseil constitutionnel le 22 février 2019, Khalifa Ababacar SALL a saisi le Conseil constitutionnel d’une demande « tendant à faire juger que le Bureau de l’Assemblée nationale n’avait pas compétence pour prendre l’arrêté de bureau n° 006 du 17 janvier 2019 portant [sa] radiation […] de la liste des députés à l’Assemblée nationale » ;
- Considérant qu’il fait valoir à l’appui de sa requête qu’il ressort de l’article LO. 194 du Code électoral que c’est le Conseil constitutionnel, sur saisine du Ministère public, qui est seul compétent pour prononcer la radiation d’un député pour cause de condamnation pénale, ladite radiation étant la conséquence de la déchéance prévue à l’article LO.158 du Code électoral et que, même s’il était possible de distinguer la constatation de la déchéance qui serait de la compétence du Conseil constitutionnel et la radiation de la liste des députés qui serait une mesure purement administrative de la compétence de l’Assemblée nationale, la déchéance devrait être constatée par le Conseil constitutionnel avant toute radiation ;
- Considérant qu’il résulte de l’article 59, dernier alinéa de la Constitution que le régime des inéligibilités est fixé par une loi organique ;
- Considérant que le régime des inéligibilités est prévu par l’article LO. 158 du Code électoral selon lequel le député est déchu de plein droit de son mandat lorsque son inéligibilité se révèle après la proclamation des résultats et l’expiration des délais de recours ou lorsqu’en cours de mandat, il se trouve dans un cas d’inéligibilité prévu par le Code électoral ;
- Considérant que la procédure à suivre pour la constatation de la déchéance visée par l’article LO. 158 du Code électoral est prévue par l’article LO. 194 du même code ; qu’il résulte de ce dernier texte que la déchéance est constatée par le Conseil constitutionnel, à la requête soit du Bureau de l’Assemblée nationale, d’un groupe de députés ou du Président de la République soit du Ministère public dans le cas d’une déchéance résultant d’une condamnation définitive postérieure à l’élection ;
- Considérant que l’article LO.194 du Code électoral, qui a pour champ d’application exclusif la déchéance pour cause d’inéligibilité, est étranger à la situation du député qui fait l’objet d’une condamnation pénale définitive ;
- Considérant que lorsqu’une condamnation pénale prononcée contre un député devient définitive, celui-ci relève des dispositions du dernier alinéa de l’article 61 de la Constitution aux termes desquelles « Le membre de l’Assemblée nationale qui fait l’objet d’une condamnation pénale définitive est radié de la liste des parlementaires sur demande du Ministre de la Justice » ; que ce texte, qui s’applique aux seules condamnations pénales mais à toutes les condamnations pénales, qu’elles soient ou non de nature à donner lieu à une inéligibilité, et qui comprend à la fois une règle de fond, la radiation, et une règle de procédure, la demande du Ministre de la Justice, n’a pas prévu l’intervention préalable du Conseil constitutionnel pour constater la déchéance pas plus qu’il ne renvoie à l’article LO.194 du Code électoral pour préciser les modalités de sa mise en œuvre ;
- Considérant que les dispositions de l’article premier de la loi organique n° 2016-23 du 14 juillet 2016 relative au Conseil constitutionnel, invoquées par le requérant au soutien de sa demande tendant à faire juger qu’il y a un conflit de compétence, sont inapplicables en l’espèce, ces dispositions n’ayant vocation à s’appliquer qu’en cas de conflit entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, ce qui n’est pas le cas dans cette affaire ;
- Considérant qu’il y a lieu de rejeter la requête,
DÉCIDE :
Article premier.- La requête de Khalifa Ababacar SALL est rejetée.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République du Sénégal.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 mars 2019, où siégeaient Messieurs Papa Oumar SAKHO, Président, Ndiaw DIOUF, Mandiogou NDIAYE, Madame Bousso DIAO FALL, Messieurs Saïdou Nourou TALL, Mouhamadou DIAWARA et Abdoulaye SYLLA ;
Avec l’assistance de Maître Ernestine NDEYE SANKA, Greffier en chef.